© Quentin Roberts
Première ascension de l'éperon sud-sud-est du Jirishanca (Cordillère Huayhuash), par la voie Reino Hongo (1 000 m, M7 AI5+ 90°) du 21 au 23 juillet. Descente par le contrefort est et la face sud-est inférieure.
Il va sans dire que l'engagement et l'aventure sont réels en dehors de l'Himalaya. Cette année, il aurait été impossible pour les Piolets d'Or de ne pas mettre en avant une voie dans la Cordillère des Andes, où plusieurs ascensions exceptionnelles ont été réalisées en 2022. La Cordillère Huayhuash abrite des sommets très spectaculaires, dont le Jirishanca, l'un des plus hauts sommets de la chaîne et dont l'accès n'est pas aisé. C'est l'un des derniers 6 000 péruviens à avoir été gravi.
Les Canadiens Alik Berg et Quentin Roberts ont choisi la ligne convoitée de l'éperon sud-sud-est, qui s'élève en une crête complexe faite d'énormes champignons de neige et de glace avant de rejoindre le calcaire vertical et maculé de glace de la paroi sud. Les tentatives précédentes de plusieurs cordées différentes pour atteindre ce headwall en escaladant la face plus à gauche de l'éperon s'étaient arrêtées dans des conditions de neige impossibles.
Berg et Roberts ont avancé dans le plus pur style alpin, portant des sacs sur des terrains soutenus, techniques et jusqu'alors inexplorés. En raison de fortes chutes de neige sur l'éperon rocheux peu avant le départ, et d'une météo trop maussade, les deux hommes ont décidé de gravir cinq longueurs environ sur l'éperon inférieur, puis de contourner la section plus raide située au-dessus sur le versant sud. Là, ils ont gravi un terrain mixte escarpé pour regagner l'éperon en dessous de la complexe arête de neige et de glace en forme de dos de dragon. Ils ont terminé cette section le premier jour, l'arête elle-même le deuxième jour et le headwall, crux de la voie, le troisième jour. Cette dernière partie comportait des longueurs non protégeables qui étaient parfois aussi difficiles et potentiellement aussi dangereuses pour le second que pour le premier de cordée. Lorsqu'ils ont atteint le sommet – une rare ascension de la montagne par le versant est – ils ont été surpris d'être accueillis par deux Américains qui avaient escaladé une voie sur la droite de la face sud-est. Berg et Roberts ont ensuite pu suivre la descente des Américains sur le contrefort est et dans la partie inférieure de la face sud-est en bivouaquant une fois de plus.
Le jury a estimé qu'il s'agissait d'une ligne inspirante, directe vers le sommet, et escaladée exactement dans le style et l'esprit d'aventure que les Piolets d'Or souhaitent promouvoir.
Alik Berg
- Canada
Vivant à Canmore, Alberta, au coeur des Rocheuses canadiennes et âgé de 35 ans, Alik se décrit comme un "grimpeur obsessionnel". Dès son plus jeune âge, encordé à son père, il est sur les grandes parois, gravissant en tête le fameux “Grand Wall” de Squamish à 10 ans, puis se frottant à l’escalade artificielle au Yosemite (une vingtaine de voies sur El Capitan jusqu’au A5). A Canmore, c’est dans ce paradis de l’escalade glaciaire et mixte qu’il peut aussi pousser le jeu du dry-tooling, si utile dans les grandes faces alpines. Pour financer ses aventures, il travaille comme technicien d'accès difficiles et en hauteur pour l’industrie. Son ami et compagnon de cordée Ian Welsted le décrit ainsi: “Alik possède ce calme si particulier qui vient du fait de se retrouver suspendu à de minuscules pièces de métal posées dans les irrégularités du granit, et duquel émerge un talent s’auto-dépréciant trop aisément.” En juillet 2017, déjà au Pérou mais dans la Cordillère Blanche, il a ouvert deux nouvelles voies et en libre: “The Devil's Reach Around”, (900m, 5.10 M6 90°) sur la face est du Chacraraju Este, déjà avec Quentin Roberts, puis “Nadie Sabe Nada” (1 000 m, 5.9 M6 85°) sur la face nord du Hualcán, cette fois en compagnie d’Aritza Monasterio.
Quentin Roberts
- Canada
Né en Angleterre d'un père canadien et d'une mère autrichienne, Quentin était destiné à parcourir le monde. Dès son plus jeune âge, il commence à grimper au Pays de Galles avec son père puis dans les Alpes avant de s’installer en Afrique du Sud où il se passionne aussi pour les sports de glisse comme le surf et le skateboard. Mais c’est en Colombie-Britannique au Canada, tout en obtenant un diplôme d'ingénieur en mécanique, que sa passion pour l'escalade sous toutes ses formes est véritablement née. Depuis, il est devenu un chasseur de nouvelles lignes alpines dures, comme la déjà mentionnée “The Devil's Reacharound” sur la face est du Chacraraju Este dans la Cordillère Blanche au Pérou. Il est aussi connu pour ses free solos, comme “Striving for the Moon” (1 400m, AI6) sur le Mount Temple, ”Grand Central Couloir”(AI4, M6) au Mount Kitchener au Canada et le célèbre “Exocet” (5.10- WI5+) au Cerro Standhardt en Patagonie, qu'il considère comme des libérations d'énergie personnelles. Parmi ses amis et ses partenaires de cordée, il est connu pour son tact, sa force et son énergie positive.
